lundi 3 mai 2010

Perte De La Moitié Du Capital Social

À la clôture de l'exercice, si des pertes ont été constatées, il y a lieu de s'interroger sur le niveau des capitaux propres. En effet, le code de commerce a prévu une procédure en cas de perte de la moitié du capital social, selon laquelle les dirigeants doivent consulter les associés pour décider du sort de la société. Nous rappelons les modalités de constatation des pertes et la procédure à appliquer.


Champ d'application

Principe

Si le montant des capitaux propres devient inférieur à la moitié du capital social, les associés doivent, dans les quatre mois qui suivent l'approbation des comptes, par voie d'assemblée générale extraordinaire, décider de la dissolution ou non de la société.

Sociétés concernées

Cette procédure est prévue pour les SA (c. com. art. L. 225-248), les SARL (art. L. 223-42), les SAS (art. L. 227-1) et les sociétés en commandite par actions (art. L. 226-1). Les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple et les sociétés en état de redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde ne sont, en revanche, pas concernées par ce dispositif légal.

Notion de capitaux propres

L'analyse s'effectue sur les capitaux propres avant affectation du résultat de l'exercice clos.

Le montant des capitaux propres est égal à la somme algébrique (c. com. art. R. 123-191) :

- des apports (capital nominal libéré ou non, amorti ou non et primes d'émission) ;

- des écarts de réévaluation ;

- des réserves ;

- des bénéfices autres que ceux pour lesquels une décision de distribution est intervenue (report à nouveau créditeur, bénéfice de l'exercice) ;

- des pertes (report à nouveau débiteur, perte de l'exercice) ;

- des subventions d'investissement ;

- des provisions réglementées (dont les amortissements dérogatoires).

En sont exclus :

- les plus-values latentes (sauf à procéder à une réévaluation libre de l'ensemble des immobilisations corporelles et financières) ;

- les prêts participatifs (dettes pour la société) ;

- les titres participatifs (dettes).

Ne peuvent venir en déduction :

- les frais d'établissement ;

- les charges à répartir (soit désormais exclusivement les frais d'émission des emprunts).

L'existence d'une perte excédant la moitié du capital constitue une information de nature à figurer dans le rapport de gestion (CNCC, bull. 90, juin 1993, pp. 267-268).

Procédure

Consultation des associés

Délai - Le délai de consultation de quatre mois court à compter de la tenue de l'assemblée qui a effectivement approuvé les comptes ayant fait apparaître les pertes. Ce délai n'est susceptible d'être prolongé. Le défaut de consultation des associés dans le délai prescrit expose les dirigeants à des sanctions pénales (c. com. art. L. 241-6 [SARL] et L. 242-29 [SA]).

Quorum et majorité - La décision doit être prise en AGE :

- pour les SARL créés depuis le 4 août 2005 par les associés détenant au moins 2/3 des parts sociales avec un quorum de 1/4 des parts sociales (sauf disposition statutaire plus exigeante) ;

- pour les SARL créés avant le 4 août 2005 par les associés détenant au moins 3/4 des parts sociales ;

- pour les SA à la majorité des 2/3 du capital avec un quorum de 1/4 du capital ;

- selon les dispositions statutaires pour les SAS.

Publicité

La décision de dissolution ou de poursuite de l'activité, prise par les associés, doit être :

- déposée au greffe du tribunal de commerce ;

- inscrite au registre du commerce et des sociétés ;

- publiée dans un journal d'annonces légales.

Délai de régularisation

Principe - Si la dissolution n'est pas décidée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de réduire son capital d'un montant au moins égal à celui des pertes qui n'ont pu être imputées sur les réserves si, dans ce délai, les capitaux propres n'ont pas été reconstitués à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social (c. com. art. L. 223-42 [SARL] et L. 225-248 [SA]).

Exemple :

Si la perte sociale est intervenue au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2008, la constatation en sera faite par l'assemblée statuant sur les comptes de cet exercice et tenue le 30 juin 2009 ; le délai légal expire alors le 31 décembre 2011 (et non le 31 décembre 2010).


Régularisation anticipée - Une assemblée générale extraordinaire peut décider une augmentation de capital immédiatement après l'approbation des comptes ayant fait apparaître la perte. Une décision des associés est nécessaire même en cas de régularisation dans les quatre mois (rep. Vannson n° 104752, JO, 28 novembre 2006, AN quest. p. 12512).

Sanctions - La loi n'a prévu aucune sanction pénale pour défaut de régularisation dans les délais. Sur le plan civil, cette irrégularité offre la possibilité à tout intéressé de demander en justice la dissolution de la société (c. com. art. L. 223-42 [SARL] et L. 225-248 [SA] et R. 210-15). Le tribunal peut toutefois accorder un délai de 6 mois pour régulariser la situation.

Procédés de régularisation

La régularisation de la situation de l'entreprise pourra résulter :

- d'une augmentation de capital ;

- d'une reconstitution des capitaux propres par la réalisation de bénéfices résorbant les pertes ou un abandon de créance ;

- d'une réévaluation libre ;

- d'une réduction de capital.

Rôle du commissaire aux comptes

Absence de mention dans le rapport de gestion - Le commissaire aux comptes formulera une observation dans la troisième partie de son rapport général portant sur le caractère incomplet du rapport de gestion et précisera l'information manquante.

Défaut de consultation des associés - En tant que délit, il doit faire l'objet d'une révélation au procureur de la République et en tant qu'irrégularité, il doit être signalé à la plus prochaine assemblée générale (c. com. art. L. 823-12).

Défaut de régularisation dans les délais - Il constitue également une irrégularité à signaler à la plus prochaine assemblée (c. com. art. L. 823-12).

En cas de capitaux propres insuffisants - Le commissaire aux comptes doit déterminer si la continuité de l'exploitation est compromise. Si tel est le cas, il devra déclencher une procédure d'alerte (c. com. art. L. 234-1 et L. 234-2).